Un nouvel envol pour l’identité numérique décentralisée

En résumé

Les cryptomonnaies suscitent de nombreuses réactions, entre méfiance et fascination. Pour revenir sur quelques-uns des défis représentés par les évolutions de la blockchain, Microcity a organisé un atelier où il a notamment été question de l’identité numérique décentralisée.

Le 7 mars dernier, le peuple suisse rejetait sèchement le projet e-ID défendu par le Conseil fédéral sur l’identité numérique. Cet échec s’explique en grande partie parce que les votants n’ont pas eu confiance dans le système de contrôle des données prévu, soit que l’Etat s’appuie pour cela sur des acteurs privés. La blockchain pourrait donner un nouvel angle d’attaque à  ceux qui plaident pour une numérisation accrue des services. 

Fabio Bonfiglio, expert dans le domaine, fondateur et président du projet Nedao1, a donné un exemple. L’animateur de l’atelier organisé par Microcity, le 29 mars dernier, a en effet évoqué plusieurs thèmes déclinant de la technologie blockchain, comme les smart contracts, dont la décentralisation des données est un volet important. Il est pour sa part convaincu que la blockchain peut permettre des avancées importantes face aux nombreux défis d’organisation, d’éthique et de développement durable qui se posent aux entrepreneurs. 

Décentralisation totale: avantages

Actuellement, tout repose sur l’identité centralisée. C’est le cas par exemple lorsque nous passons la douane en y présentant un papier d’identité physique, émis par une autorité centrale. Lors du contrôle, l’accès à d’autres informations liées à ce document est directement donné à l’interface qui opère. Il en va de même dans le monde numérique, où les données sont partout sur internet. Les internautes les donnent, volontairement ou sans en avoir pleinement conscience, lors de leur utilisation de différents services, permettant ainsi à des destinataires inconnus de connaître leurs habitudes et de dresser leur profil. 

Depuis le mois de mai 2018, le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) pose certes des limites dans ces pratiques. Il serait cependant davantage souhaitable que chaque citoyen ait le contrôle total de ses données. Pour Fabio Bonfiglio, la solution pourrait passer par l’identité numérique décentralisée, que celle-ci concerne des personnes ou des objets. L’idée est celle d’une seule identité sur une plateforme blockchain décentralisée. 
Lors d’un contrôle douanier, par exemple, ou pour n’importe quelle autre formalité requérant une preuve d’identité, la partie l’exigeant pourrait se fier à la preuve que l’information requise est en règle et n’a pas été falsifiée. La blockchain comprendrait cette métadonnée, alors que toutes les données personnelles resteraient propriété pleine et entière de l’individu concerné. Nous passerions ainsi d’un système fondé non plus sur l’authentification et le contrôle d’accès, mais sur la notion d’authenticité (vérifiabilité). C’est une nouvelle façon d’établir la confiance. «Du point de vue technologique, nous disposons de cette capacité, mais il reste plusieurs obstacles», commente Fabio Bonfiglio. «En effet, en reprenant ce droit, nous devrons aussi en assumer les responsabilités entières. Par exemple, en cas de perte de la clé cryptographique permettant de prouver que l’information est véridique et associée à une identité donnée, il n’y aura pas de recours possible.» 

Pour l'internet des objets, des pistes prometteurs

Alors que nous parlons depuis des années déjà d’internet des objets, les spécialistes estiment que cette évolution est encore loin de montrer tout son potentiel, puisque nous demeurons dans un système centralisé. Actuellement, tout le système se fonde sur des objets qui sont reliés à un logiciel central. Si celui-ci tombe en panne ou disparaît, c’est tout le système qui s’écroule. Dans le système de l’identité numérique décentralisée pour les objets, ceux-ci deviendront autonomes. «Cela veut dire que toute la chaîne logistique pourra être plus fluide et plus agile que maintenant», explique Fabio Bonfiglio. «Par exemple, si une marchandise précise a la capacité de signaler qu’elle est prête et que, d’autre part, il se trouve un camion disponible, situé dans un rayon proche, ce dernier pourra la prendre en charge. Attention, nous parlons bien d’automatisation, pas d’intelligence artificielle. L’être humain sera en mesure de se décharger d’une partie fastidieuse - établissement des assurances, papiers pour la douane, etc. - jusqu’au paiement final, une fois que la marchandise aura confirmé avoir été livrée en bonne et due forme!» Des perspectives qui ont encore un petit air de science-fiction, mais qui arriveront peut-être plus vite que nous ne le pensons.

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1 Nedao est une plateforme décentralisée du Service de l’économie de Neuchâtel, pour ses habitants. Elle a été fondée dans le but de leur permettre de mieux comprendre l’avancée des technologies liées à la blockchain.