Bruxelles prépare un passeport Covid pour l’été

En résumé

Voyager cet été en toute sécurité: tel est l’objectif de la Commission européenne qui propose la création d’un «certificat vert numérique», sorte de «passeport Covid», d’ici à juin, valable dans tous les pays de la zone Schengen

L’objectif est clair: rétablir la libre circulation au sein de l’espace Schengen – principe fondateur de l’Union européenne (UE) – bien mise à mal par les restrictions sanitaires. La Commission européenne a ainsi proposé mercredi 17 mars la création d’un «certificat vert numérique» (vert comme le feu vert qui autorise le passage) qui servirait de passeport sanitaire à tous les Européens désireux de voyager cet été. Ce certificat sera proposé aux pays membres de l’espace Schengen, donc à la Suisse. Il comprendra trois informations clés: il indiquera si l’on a été vacciné, si l’on a eu un test PCR ou fournira une preuve de guérison si l’on a contracté le Covid-19. «Nos objectifs consistent à proposer un outil facile d’utilisation, non discriminatoire et sécurisé, qui respecte la protection des données», a souligné Vera Jourova, vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence. La Commission européenne veut aller vite. Ce certificat devrait être prêt d’ici au mois de juin. Une gageure quand on connaît la lenteur des prises de décisions au sein de l’UE.

La proposition doit maintenant être discutée et approuvée par le Parlement européen et le Conseil. Elle a été bien accueillie par les trois grands groupes d’eurodéputés - Renew Europe, le PPE et les Socialistes -- qui se disent prêts à ce que le certificat fasse l’objet d’une procédure accélérée. Du côté des pays membres, la proposition rencontre un nombre croissant d’avis favorables. Les pays du Sud, la Grèce, l’Italie, l’Espagne ou encore le Portugal, fortement dépendants de l’industrie du tourisme, ont été les premiers à soutenir ce projet. D’autres pays, comme la Pologne, la Hongrie, la Suède et le Danemark, ont annoncé leur intention de créer leur propre certificat vaccinal. Si bien que la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas, qui avaient fait part de leurs réticences au début, sont en train de revoir leur position.

Nombreuses questions

Les débats qui vont commencer promettent d’être difficiles, car le projet pose de nombreuses questions sur les plans juridique et sanitaire. Ce certificat se présentera sous forme électronique ou sur papier et comportera un QR code visant à garantir sa sécurité et son authenticité; il sera gratuit. Il appartiendra sans doute aux Etats membres de décider de son usage: uniquement pour les voyages ou également pour d’autres activités, comme l’accès à des salles de spectacle ou à des restaurants. Les Etats devraient également être libres d’inclure dans le certificat des personnes vaccinées avec des vaccins non autorisés par l’Agence européenne des médicaments.

Le délai est trop court pour obtenir un consensus sur le fonctionnement du certificat. En revanche, les experts vont devoir se prononcer sur son aspect juridique. Plusieurs écueils sont à éviter: le certificat ne doit pas porter atteinte à la liberté de circuler ni introduire une discrimination entre les citoyens ayant été vaccinés et ceux qui ne le sont pas encore (ou qui refusent la vaccination). Il ne doit pas non plus apparaître comme une vaccination obligatoire déguisée. Il doit en sus respecter la vie privée et le secret médical. La constitution d’un tel dossier de données comporte un risque élevé d’atteinte aux droits fondamentaux. La Commission affirme que le dispositif protégera la confidentialité des données. Il s’agit d’une mesure temporaire, assure-telle encore: «Cette mesure sera suspendue lorsque l’Organisation mondiale de la santé aura déclaré la fin de l’urgence sanitaire internationale».

Autre question: l’efficacité sanitaire du certificat. A l’heure actuelle, les scientifiques ne peuvent pas dire dans quelle mesure les personnes vaccinées peuvent ou non transmettre le virus, ni déterminer avec certitude la durée de l’immunité garantie par les vaccins autorisés en Europe. Enfin, le dispositif doit être sécurisé. La présence d’un QR code devrait éviter l’apparition de faux certificats.

Réponse coordonnée

Le projet d’un «certificat vert numérique» soulève donc des questions délicates. Il ne faudrait pas, mettent en garde certains juristes, prendre une mesure liberticide à long terme dans l’espoir de retrouver une liberté de mouvement à court terme. Outre la nécessité de rétablir une libre circulation dans l’UE, l’enjeu est aussi d’offrir une réponse unie et coordonnée des vingt-sept pays membres et d’éviter les initiatives dispersées, ce qui avait été le cas l’été dernier. Face à cet enjeu, on peut s’attendre à ce que le projet voie le jour d’ici à juin. Ce qui constituerait un premier pas vers le retour à une vie normale.